Neurosciences affectives (Dr Catherine Gueguen, pédiatre)
Que sont les neurosciences cognitives ?
Si une branche des neurosciences cognitives s’occupe de comprendre le développement des émotions et du cerveau de l’enfant, Il s’agit plus généralement de recherches menées depuis 15 ans seulement, qui examinent les émotions les sentiments et les capacités relationnelles.
Qu’est-ce qu’une émotion : il s’agit d’une réaction biologique instantanée qui réagit à l’environnement (sueurs, tachycardie).
Qu’est-ce qu’un sentiment : il s’agit de ressentis qui durent et apparaissent après l’émotion.
L’enfant est un être en construction. Le cerveau de l’enfant est très fragile, vulnérable, malléable et immature.
Les relations humaines sont capitales et une grande partie du cerveau humain est réservé à cette fonction.
Tout ce que vit l’enfant, même fœtus, va avoir une répercussion sur son cerveau : l’environnement social et affectif va agir en profondeur sur le cerveau et le modifier, sur les plans cognitifs, et sur son cerveau affectif.
Les émotions sont capitales pour le développement : ce sont des signaux sur nos souhaits et besoins profonds. Il n’y a pas de jugement de valeur sur les émotions : simple recueil de données. Satisfaction ou non satisfaction de nos besoins et souhaits profonds.
Il faut favoriser l’expression des émotions chez les enfants pour qu’il sache les reconnaître et les écouter.
Notions anatomiques du cerveau de l’Être Humain
Chez l’homme, il y a 3 cerveaux :
- Archaïque : commun avec les reptiles. Question de survie. Face à un danger comportement instinctif de fuite.
- Émotionnel : en commun avec tous les mammifères : amygdale et hippocampe. Tempéré par le cerveau supérieur : rôle régulateur du cerveau primitif et archaïque. Rôle important dans l‘apprentissage et la mémoire.
- Supérieur : néocortex : partagé avec les primates (2 ou 3 millions d’années) : 85% du volume cérébral. Fonctions supérieures : conscience, langage, capacité d’apprentissage, perceptions sensorielles, notion d’espace…
Lobe préfrontal : le plus important, plus développé chez l’Homme : réflexion, raisonnement, résoudre les problèmes, avoir de l’empathie, de l’imagination, planifier, conscience de soi.
Quelle différence entre le cerveau d’un enfant et celui de l’adulte ?
Chez l’adulte : Circuit cérébral émotionnel du cerveau mis en avant par un chercheur neurologue Antonio Damasio en 1995.
Il s’agit d’un chercheur qui a fait une expérience sur des patients souffrant suite à des accidents cérébraux : QI normal, mais plus capables de mener une vie normale.
Selon le chercheur, il y a trois points fondamentaux dans une vie : choisir son métier, son conjoint et son lieu de vie.
Quand les patients sont déconnectés de leurs émotions, ils n’arrivent plus à vivre une vie normale. Dans l’étude, les patients étaient incapables d’exprimer ce dont ils avaient envie et de ce fait : ils perdaient leur conjoint, ils perdaient leur travail, ils n’aimaient pas leur lieu de vie et finissaient à la rue.
Conclusion : être connecté à ses émotions est fondamental pour faire des choix dans notre vie.
Un adulte face à une émotion négative intense va la maîtriser. Son cortex préfrontal (régule les émotions) doit pour cela fonctionner correctement. Situé derrière le front, il nous différencie des grands singes. Il calme l’adulte et permet de prendre des décisions face à des émotions (verbalement, physiquement… sans agresser l’autre).
La capacité d’un adulte est de réévaluer une situation afin de prendre de la distance. Cela lui permet de modifier le circuit émotionnel et permet de se calmer. Ce néocortex permet d’analyser et de prendre du recul.
Le cerveau de l’enfant est immature
Les premières années de vie sont fondamentales, elles permettent :
- les relations des parents avec son entourage ont des effets profonds sur structure cérébrales.
- développement global du cerveau : intellectuel et affectif.
- influence sur la santé physique et psychologique.
Les cinq premières années de vie modulent le développement du cerveau. La maturation cérébrale se termine entre la fin de l’adolescence 25 ans. Ensuite, apparaît la plasticité neuronale.
La dernière étape de la maturation cérébrale est le cortex orbito-frontal : celui-ci se développe en dernier, situé au-dessus des orbites. Il régule les comportements émotionnels et sociaux. C’est cette structure qui permet d’être « humain ».
Un enfant n’a pas les capacités cognitives pour contrôler ses émotions : les structures et réseaux cérébraux de son cerveau ne sont pas encore fonctionnels.
Cette immaturité se traduit par de nombreux traits :
- En dessous de 5 ans, le cerveau archaïque et émotionnel domine : c’est la raison pour laquelle l’enfant se contrôle difficilement : tempêtes, colères, immenses chagrins, peurs… Il ne prend aucun recul, il n’a pas conscience de mal faire. Il ne fait donc pas de caprices, et n’est pas non plus malade.
- A partir de 5-7 ans, la partie du cortex qui contrôle les impulsions et les émotions commence à mûrir. Chez un enfant qui a eu un bon environnement, un enfant va commencer à mieux contrôler ses émotions (jusqu’à 25 ans il y a maturation). Il va commencer alors commencer à comprendre les causes de sa colère. (A cette période a lieur une poussée de croissance neuronale qui multiplie les circuits, débute à 5 ans et se termine à 7 ans. A 7 ans : sens moral est déjà acquis si enfance qui lui a permis de se structurer).
Comment se réalise cette maturation du cerveau de l’enfant ?
Le développement du cerveau dépend de l’épigénétique. L’épigénétique (tel que décrit par Michael Meaney, chercheur à Montréal) regroupe les :
- Les facteurs génétiques transmis par les parents.
- Les facteurs environnementaux (= nature + culture) : ils modifient les gènes.
C’est l’environnement qui permet la maturation du cerveau : son entourage joue un rôle fondamental.
Celui-ci doit l’aider à être empathique, l’aider à exprimer ses émotions et l’apaiser. Le tout sans jugement.
Cela ne signifie pas céder, mais mettre des mots sur les émotions. La façon de dire « non » est importante. Consoler un enfant qui pleure participe à la maturation de son cerveau.
L’environnement social et affectif influence la sécrétion des différentes molécules cérébrales, le développement des neurones, les circuits neuronaux, les structures cérébrales, la myélinisation des neurones et perturbe les synapses. Il modifie l’axe neuroendocrinien jouant contribuant donc à rendre un enfant stressé.
La relation idéale pour un enfant est donc une relation empathique, “soutenante” et aimante.
L’environnement peut influencer l’expression des gènes. Le maternage de la mère à l’enfant retentit sur sa façon d’être, sa réaction future face au stress, et prédit ses facultés cognitives.
Une mère doit donc être heureuse pour bien s’occuper de son enfant !
L’intérêt de connaître et ressentir ses émotions ?
L’expression des émotions est bénéfique :
- pour se connaître, pour bien vivre et réaliser les choix qui nous correspondent !
- pour réguler le cerveau émotionnel (amygdale cérébrale qui régule les hormones de stress). → lorsque les émotions sont exprimées alors cela apaise cette amygdale cérébrale. Pour ne pas être stressé : IL FAUT POUVOIR DIRE « je suis triste, je suis anxieux… ».
- pour être équilibré dans sa vie d’adulte, sans violence, sans stress, et sans maladie psychiatrique…
Le danger est de ne plus ressentir les émotions, et cela s’instaure le plus souvent pendant la petite enfance. Comment se met en place une déconnexion émotions-corps ?
- Par une humiliation physique ou verbale enfant (maltraitance physique ou verbale).
- Par une interdiction d’exprimer des émotions désagréables jugées comme négatives. L’adulte n’a pas envie d’entendre « arrête de pleurer, arrête d’être en colère ». De ce fait ; refoulement des émotions d’inquiétude, de tristesse….
Les conséquences possibles une fois adulte sont multiples : troubles de la personnalité, addictions, suicide, anxiété, agressivité, conduites antisociales….
En 2014, 43 pays du monde interdisent les punitions corporelles dont 27 pays européens, mais pas la France.
Comment aider à une bonne maturation du cerveau cognitif chez le petit enfant ?
Favoriser la sécrétion des bonnes molécules
Cela passe par une libération de molécules qui aident à la maturation du cerveau de l’enfant. Ces molécules sont anti-stress et vitales pour un bon développement :
- Ocytocine : Elle est sécrétée lors de toute stimulation sensorielle, de tout échange harmonieux, plaisir partagé ou regard bienveillant. Agit sur les structures cérébrales impliquées dans la perception des émotions (permet de décrypter les expressions des yeux et du visage).
Elle permet la sécrétion de la dopamine (plaisir, motivation et créativité : elle active les circuits cérébraux du système motivation-récompense), endorphine et sérotonine.
Permet la confiance, l’empathie, diminue stress, puissant anxiolytique, molécule amour/amitié.
La compétition, la comparaison ou le stress bloque la libération de dopamine.
- Endorphines : sensation de bien-être.
- Sérotonine : stabilisation de l’humeur.
Être empathique
- Empathie affective : sentir les émotions de l’autre, les sentiments d’autrui.
- Empathie cognitive : comprendre les intentions d’autrui.
Un enfant reçoit donc des émotions, sans filtre et surtout, il ne possède pas la capacité de s’apaiser tout seul.
Si un enfant reste seul avec ses émotions de peur, d’angoisse…alors des molécules de stress vont se développer, et son cerveau ne va pas bien grandir.
Il faut donc le réconforter. Lorsque l’adulte empathique et compréhensif et aimant permet à l’enfant de trouver les mots pour exprimer sa colère, au lieu de crier, s’agiter… Au contraire, si un enfant n’est pas aidé à se calmer, il pourra avoir des réactions violentes (mordre – taper – hurler…).
Si les adultes savent apaiser l’enfant, ces moments de tempêtes – colères ne dureront pas à l’âge adulte.
Le plus important est donc de ne pas réprimander l’enfant, ni le menacer, ni crier… La colère ou l’énervement d’un adulte n’aura qu’une conséquence de tension et de stress chez le petit enfant.
Adopter un comportement adulte doux et apaisant
La réaction de l’adulte participe au développement de l’enfant : le ton de la voix doit être apaisant, le regard doux pour calmer l’enfant.
Cela est capital, car un enfant non consolé deviendra alors à l’âge adulte :
- Incapable de maîtriser ses émotions.
- Une personne angoissée, agressive ou dépressive.
- Incapable de créer de tissu affectif
- Incapable de compassion pour autrui
De plus, un enfant mime l’adulte. Si celui-ci résout bien le conflit, avec calme et empathie, alors cela aidera les autres enfants pour le bon développement de leur cerveau.
Favoriser le partage, le rire et l’activité physique
A chaque contact doux avec l’autre, il y a sécrétion de bonnes hormones, de la dopamine, des endorphines notamment, de la part des deux personnes.
L’enfant doit se développer en jouant. En effet, rire, s’amuser est très bénéfique pour le cerveau. Cela fertilise des circuits de l’amygdale et du cortex préfrontal, et permet ainsi la croissance neuronale et la consolidation des voies neuronales. Le jeu est primordial pour le cerveau !
Enfin, l’enfant doit se dépenser physiquement : l’après-midi l’enfant doit bouger. S’il ne peut pas exprimer sa vitalité, il devient agité. Il a besoin d’espace pour bouger.
Il n’y a pas que l’intellect à faire murir, le développement du cerveau passe aussi par le corps et l’émotionnel.
Les attitudes à éviter pour une bonne maturation du cerveau chez le petit enfant ?
Éviter de ne pas réconforter l’enfant
Les pleurs sont la première cause de maltraitance chez l’enfant. Aujourd’hui, en France, 2 enfants meurent tous les jours de maltraitance.
Il y a une transmission de la réaction de colère du parent sur l’enfant, qui va créer des tensions et/ou de la peur chez le tout petit. L’éducation par la peur et les menaces laissent des traces délétères.
Éviter de créer de situation stressante ou angoissante chez l’enfant
- La mémoire et l’apprentissage sont liés. Or la peur empêche d’apprendre, de même que le stress.
Le stress est nocif pour le cerveau, en particulier pour l’hippocampe.
La conséquence du stress est l’augmentation du taux de cortisol. Si ce taux est trop important, alors il freine la multiplication des neurones, va diminuer leur nombre jusqu’à les détruire (interférence avec le facteur de croissance des neurones, le BDNF). L’enfant, dans cette situation ne peut plus ni mémoriser ni apprendre.
C’est la raison pour laquelle, il faut bien accompagner l’enfant lors de ses premières années d’école. Les devoirs peuvent être une source de stress pour l’enfant.
De plus, en cas de stress, les hormones du plaisir ne sont plus libérées. L’enfant n’a plus de motivation, ni de créativité.
Il et démontré que l’apprentissage est meilleur si les méthodes d’enseignements bannissent la peur et le stress.
- Par ailleurs, la sécrétion prolongée de cortisol modifie le métabolisme de l’immunité et peut engendrer des maladies chroniques (diabète par exemple).
- Enfin, le stress dans la petite enfance raccourcissent les télomères des chromosomes. Le rôle des télomères est de protéger de l’effet du temps et de l’environnement. Leur raccourcissement aboutit à une perte du matériel génétique et conduit à la mort des cellules.
Ne pas créer de la peur chez un petit enfant
Le cortisol active aussi l’amygdale. Celle-ci, en lien avec les émotions, va favoriser l’émotion de peur. Quand l’enfant est stressé, il sera paralysé par la peur.
La conséquence est que l’enfant n’écoute plus et ne mémorise plus. Se crée ensuite un cercle vicieux en lien avec la peur : l’enfant apprend mal, il a des mauvais résultats scolaires, il est en échec. S’en suivent des humiliations, scolaires ou familiales, aboutissant à un refus d’aller à l’école.
C’est également l’une des raisons pour lesquelles, il n’est pas bon de raconter des histoires qui font peur avant l’âge de 5-6 ans ! L’enfant, sans mise en perspective possible, peut être terrifié. Il risque de voir des monstres et des sorcières dans sa chambre. Cela peut aboutir à une peur d’aller au lit et de dormir seul.
Toutefois, passé cet âge, les histoires imaginaires sont importantes pour développer l’imagination de l’enfant.
Des pistes pour aller plus loin ?
La communication non violente (CNV)
Créée par Marshall Rosemberg, il s’agit d’une psychologie plus humaniste. L’objectif est de pouvoir s’exprimer tout en étant bienveillant.
Cela permet une meilleure qualité de relation envers soi-même et envers les autres, à travers un travail d’auto-empathie et d’empathie. L’un des buts est de rester connecté à ses émotions, de pouvoir mettre des mots sur ce que l’on ressent, d’aider l’enfant de s’apaiser…
« Ne jamais juger et ne jamais critiquer ».
Le principe de base de la CNV
Livre introductif : “Les mots sont des fenêtres“, Marshall B. Rosemberg.
Site internet : cnv-europe.
Journal : non violence actualité.
La méditation en pleine conscience
Basé sur les principes de méditation traditionnelle du Bouddha ayant vécu au Vème siècle avant JC. Elle aide à apaiser l’esprit, permet une meilleure concentration et un meilleur équilibre émotionnel. De plus en plus connue, certains pays comme la Hollande, offre par le biais du ministère de l’éducation une formation à la méditation en pleine conscience à tous les enseignants.
Livres
“Vivre heureux avec son enfant“, Dr Catherine Gueguen, Robert Lafont.
“Calme et attentif comme une grenouille“, Eline Snel Ed. Les Arènes. À partir de 5 ans.
Sources
Allan Schore, fondateur des neurosciences affectives et sociales.
Il dirige le département de psychiatrie à Los Angeles. Il a montré l’importance du cortex orbito-frontal, structure précieuse car elle permet de savoir aimer, de réguler les émotions, d’avoir un sens éthique et moral, de savoir prendre des décisions. L’environnement de la petite enfance va permettre à ce cortex de bien se développer.
Selon lui, tous les dysfonctionnements émotionnels sont localisés dans le cortex orbito-frontal. Fin de la maturation de cette zone vers 20-25 ans. Au contraire, la maltraitance verbale et physique diminue le volume de l’hippocampe.
En 2011, une de étude de Emil Coccaro, professeur de psychiatrie à l’université de Chicago : adultes violents présentaient un cortex préfrontal hypo actif, nécessaire pour contrôler les émotions.
En 2012, une étude de Joan Luby a montré que si la mère soutient et encourage son enfant, alors l’hippocampe augmente de volume. Entre 7 et 13 ans, l’enfant va alors très bien apprendre.
Recherche menée par Hanson en 2010 : une négligence ou un abandon précoce du bébé aboutit à des troubles sévères : trouble dans la régulation des émotions, de l’attention, de l’apprentissage…
Martin Teicher a expliqué que les troubles psychiatriques sont plus importants suite à des mauvais traitements émotionnels (violences conjugales, agressions verbales ou physiques…). Cela engendre des troubles anxieux, des dépressions, des troubles bipolaires-dépersonnalisation, de l’agressivité….
En 2009, Jeewook Choi a montré que des paroles blessantes, humiliantes, méprisantes altèrent le fonctionnement de circuits neuronaux et de zones participant à la compréhension du langage → somatisation, troubles anxieux, dépressions.
Multiples recherches (Teicher 2006- Tomoda 2011 – Teicher 2010) : des paroles blessantes sont associées à des risques de délinquance, de l’agressivité importante, des troubles de la personnalité.
Jaimie Hanson dans une étude de 2010 : Après vérification par IRM, la taille des cerveaux d’enfants ayant subi des punitions corporelles a été modifiée. Une nette diminution du volume du cortex orbito frontal a été remarquée.
Tracie Afifi, canadienne : les punitions corporelles chez l’enfant engendrent des troubles de l’humeur, des dépressions, des addictions aux drogues, des manies….